L'aspect psychologique du végétarisme
Texte trouvé sur le site suisse de vegetarisme.ch
«Rien que par son effet physique sur le tempérament des hommes, le mode de vie végétarien pourrait avoir une influence tout à fait positive sur le destin de l'humanité.» - Albert Einstein<
«Le carnivore fait preuve d'hypocrisie, lorsqu'il jette un regard dédaigneux sur les bouchers; l'homme est certes responsable des actes qu'il commet lui-même, mais aussi de ceux qu'il fait commettre aux autres.» - Magnus Schwantje
La violence exercée sur les animaux «domestiques» dans les élevages intensifs et dans les abattoirs marque profondément l'esprit des êtres humains, en particulier des enfants. Ce constat ne date pas d'hier. C'est pourquoi les «fabriques d'animaux» sont tabou et que, dans les abattoirs suisses, on exécute la triste besogne à cinq heures du matin. La majorité des habitants de notre pays en arriverait même à oublier leur existence, si quelques groupements luttant pour la protection des animaux ne s'engageaient pas à dénoncer régulièrement ces pratiques. Le consommateur refuse autant que possible d'être confronté à la provenance du steak qu'il mange.
Le végétarien n'a pas mauvaise conscience, lorsqu'il observe un lièvre ou une vache. De même, il n'a aucune raison de refouler ses sentiments à l'égard des animaux. Le rapport entre l'humain et l'animal prend par conséquent une dimension inconcevable pour un omnivore.
La plupart des enfants répugnent à manger des aliments provenant d'un animal mort et ne s'y habituent souvent qu'à contrecoeur. Ils sont souvent tiraillés entre leurs sentiments intimes et les dires des parents («En mangeant de la viande, tu deviendras grand et fort!»). En règle générale, ils prennent le parti d'obéir à leurs géniteurs et apprennent par là même à ne pas accorder d'importance à leurs propres sentiments, voire à les réprimer. Ce conflit inconscient peut parfois se traduire par une véritable haine envers les parents, par exemple lorsque ceux-ci forcent leur enfant à manger le lapin qu'il a lui-même élevé. Ce ressentiment contre l'autorité parentale ne pouvant éclater au grand jour, il arrive que l'enfant le projette sur ses camarades. L'adulte n'a que rarement conscience de cette rancœur refoulée depuis son enfance. Au fil de ses consultations, la psychologue G. L. van Dalfsen a constaté que, chez certaines personnes particulièrement sensibles, ce refoulement pouvait aller jusqu'à la névrose [1].
Depuis leur plus jeune âge, on apprend aux enfants à traiter différemment les animaux selon leur espèce: on caresse les chiens, on tue les porcs pour les cuisiner. Les enfants entretiennent une relation bien plus étroite avec les animaux que la majorité des adultes. Rien d'étonnant donc, à ce qu'ils appliquent ensuite aux hommes des distinctions tout aussi arbitraires - telles que la couleur de la peau ou la nationalité (étranger <-> indigène) - aux diverses races humaines.
La consommation de viande a toutefois également un effet positif sur le psychisme de l'omnivore: manger de la viande flatte (souvent inconsciemment) l'ego du consommateur, car le fait que l'on a jugé utile de sacrifier un être capable de ressentir de la souffrance uniquement pour chatouiller, l'espace d'un instant, ses papilles gustatives, confère une certaine importance à sa propre vie. Ce phénomène touche en particulier les personnes victimes de complexes d'infériorité - ce qui n'est malheureusement pas rare dans les pays industrialisés. Il serait cependant plus judicieux de traiter la source de ces troubles psychiques plutôt que les symptômes.
Bien entendu, ces relations de cause à effet n'ont jamais fait l'objet d'une étude scientifique. A quoi bon d'ailleurs, puisque la volonté d'y remédier disparaît au vu du bénéfice financier que rapportent l'industrie et le commerce de la viande. Cette réticence peut également s'expliquer par le fait que les personnes influentes, les dirigeants, préfèrent éviter ce sujet délicat: étant omnivores, pour la plupart d'entre eux, ils sont directement concernés et il va de soi que personne n'admet avoir commis une erreur pendant plusieurs dizaines d'années.
30 millions de cadavres,
tel est le bilan annuel de la consommation
de viande indigène en Suisse.[2]
Ne faisons pas l'impasse sur la problématique des travailleurs de l'industrie de la viande. En effet, il serait erroné de croire que les employés des abattoirs (souvent d'origine étrangère) chargés de tuer les animaux ne subissent aucun traumatisme psychique. Les conflits et les tensions entre membres du personnel sont à l'ordre du jour, lorsqu'il s'agit de déterminer à qui incombera la tâche ingrate. Il est presque impossible d'exercer cette activité à long terme, sans perdre tout sentiment de compassion envers les animaux, dès lors considérés comme de la simple chair à pâté. Une telle attitude relève plus d'un mécanisme d'autodéfense de l'employé d'abattoir que d'une quelconque faiblesse de caractère. La société minimise le problème en répandant l'opinion qu'une telle activité n'est de toute manière exercée que par des personnes ayant un penchant inné pour la violence et la brutalité. Ce préjugé n'a d'autre raison d'être que celle de se rassurer et de se donner bonne conscience. Ne serait-ce pas, par ailleurs, une obligation morale que d'éloigner ces personnes d'une activité renforçant ces traits de caractère négatifs aux dépens des positifs?
G. L. van Dalfsen a effectué le «test de Rorschach» sur des agriculteurs: les taches d'encre présentées étaient systématiquement assimilées à du sang ou à des squelettes. La psychologue explique ce phénomène par le rapport étroit qui lie l'agriculteur à son bétail voué à la mort. Cet état de fait ne peut être ni généralisé ni ignoré sous prétexte qu'aucune étude à grande échelle n'a été entreprise en la matière.
Tout le monde sait que «la violence appelle la violence». Cependant, personne ne reconnaît l'urgence de mettre un terme aux actes perpétrés dans les étables et les abattoirs contre des êtres vivants ou du moins de cesser de les encourager en consommant de la viande. Ils se voilent la face en se fondant dans la masse. Or, «une injustice demeure une injustice, même si tout le monde la commet» (M. Schwantje) et la violence ne disparaît pas par le simple fait de la déléguer à d'autres, aux bouchers par exemple.
Notes
1. Das Recht der Tiere in der Zivilisation, Wilhelm Brockhaus, F. Hirthammer Verlag, page 272 et suiv. (épuisé). Dans ce contexte, la remarque de Madame la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss citée dans le journal Construire du 17 novembre 1993 prend une dimension particulière: «Dans notre pays, un enfant sur sept présente des troubles psychiques» .
Une étude psycho-épidémiologique effectuée par la polyclinique psychiatrique universitaire de Bâle dans le cadre d'un projet d'envergure nationale a révélé que plus de la moitié des sujets (choisis de manière représentative pour Bâle-Ville) se sont sentis, au moins une fois dans leur vie, abattus ou dépressifs tous les jours pendant deux semaines ou plus. En outre, 23 % des personnes interrogées ont déclaré avoir souffert de crises d'angoisse au moins une fois dans leur vie. Contrairement aux dépressions, ces crises avaient eu lieu pendant leur enfance déjà! (retourner)
2. Tiré du magazine Bilan 10/88, page 68. (retourner)